Le sérum autologue

OptoMag| 09 mai 2023, Eloïse Devilliers, Dre Kate Hashemi

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Introduction

Depuis les années 90, le sérum autologue (SA) est proposé aux patients présentant des atteintes graves de la surface oculaire de la cornée et de sécheresse sévère pour aider à la cicatrisation cornéenne. Dans la majorité des cas, le sérum autologue n’est pas prescrit en première intention. Il est proposé en complément après essai de collyres comme des lubrifiants oculaires, de la ciclosporine ou des clous méatiques ou des lentilles pansements souples/sclérales. [1] [2] [3]

Principe

Le sérum autologue est un collyre oculaire sans conservateur préparé à partir du propre sang du patient. Il contient des vitamines, de la fibronectine, des plaquettes et des facteurs de croissance tels que l’EGF (epidermal growth factor) et le NGF (nerve growth factor). Grâce à sa composition, les avantages du sérum autologue sont la croissance cellulaire/la régénération des cellules de la cornée qui aide à la cicatrisation épithéliale et le renforcement du système immunitaire qui aide à prévenir des infections. [1] [2] [3]

À qui s’adresse ce traitement ?

Principales indications [1] [2] [3] :
les atteintes graves de la surface oculaire

  • Syndrome sec sévère avec kératoconjonctivite sèche, par exemple en cas de Gougerot-Sjögren, Lyell, Steven-Johnson, maladie du greffon contre l’hôte
  • Défauts persistants de l’épithélium
  • Kératite et ulcères cornéens neurotrophiques (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Wegner, herpès, diabète…)
  • Kératalgie récidivante
  • Insuffisances limbiques, kératoconjonctivite supérieure limbique

Contre-indications :

  • Anémie [1] [4]
  • Pour certains centres ophtalmologiques : hépatite B et C, VIH, syphilis ; à cause du risque de contamination pour les soignants — le laborantin (manipulation) ou les proches (confusion entre les collyres de différentes personnes) [1] [3]
  • Maladies systémiques inflammatoires [1]
  • Chimiothérapies [1]

Complications :

  • Accès veineux difficile [1] [4]
  • Patients multimédicamentés : étapes de coagulation et de centrifugation plus longues lors de la préparation du sérum [4]
  • Enfant ou adulte de moins de 40 kg : il faut retirer la plus petite quantité de sang possible [1] [4]

Fabrication à l’Hôpital Ophtalmique Jules Gonin (HOJG) [4]

La procédure commence à la réception par les infirmiers d’une ordonnance émise par un ophtalmologue lors d’une consultation à l’HOJG. Une prise de sang du patient est effectuée sur une surface propre et désinfectée au préalable. Chez l’adulte, 7 S-monovettes de 9 ml sont amenées à la banque des yeux, au laboratoire, dans les plus brefs délais. Il faut compter ensuite environ 1 h 30 pour la préparation.

Afin d’éviter toute erreur ou contamination, les préparations de différents patients doivent être effectuées dans une salle blanche l’une après l’autre avec des règles d’hygiène et d’asepsie très strictes.

Technique de fabrication :

  • 40 — 50 ml de sang est déposé dans des tubes stériles et neutres
  • coagulation du sang dans un incubateur à 37 °C pendant 30 minutes
  • centrifugation des tubes pendant 10 minutes (figure 1)
  • la préparation s’effectue de façon stérile sous une hotte à flux laminaire, le sérum obtenu est prélevé et mis dans un tube de 50 ml (figure 2a et b) les globules rouges sont jetés (figure 3)
  • centrifugation du tube contenant le sérum pendant 10 minutes afin d’enlever toute trace de globule rouge
  • le sérum obtenu est prélevé et est dilué avec du « Balanced Salt Solution » (BSS) 100 % pour attendre une concentration finale de sérum de 80 % pour tous les patients
  • envoie de 1 ml de solution pour analyse bactériologique
  • le sérum est distribué dans des flacons stériles en plastique, on obtient en moyenne 5 flacons de 5-6 ml soit environ 125 gouttes par flacon (figure 3)
  • étiquetage des flacons compte-gouttes

Les techniques de fabrication selon les lieux se ressemblent [1] [2] [3], la dilution peut être aussi effectuée avec du sérum physiologique 0,9 % et la concentration finale peut varier entre 20 % et 100 % (qui est plus visqueuse et entraine plus de dépôts). En Suisse, seuls les centres agréés par Swissmedic ont l’autorisation de préparer le sérum autologue.

De gauche à droite,
figure 1 : centrifugeuse,
figure 2a et 2b : prélèvement du sérum,
figure 3 : composition du sang
figure 4 : sérum autologue dans les flacons destinés aux patients

Informations aux patients

Le patient doit bien s’hydrater avant la prise de sang et prévoir un sac isotherme avec de la glace pour le transport hôpital-domicile [2][4]. Le collyre préparé se conserve un mois à 4 °C (au frigo), trois mois à -20 °C (au congélateur) [3] et six mois à -80 °C (congélateur de la banque des yeux). Un flacon ne doit jamais être recongelé. [4]

Après s’être lavé les mains, le patient instille les gouttes selon la prescription médicale sans toucher l’œil et remet le flacon le plus rapidement possible au réfrigérateur. La posologie classique en cas de sécheresse est d’une goutte 4x/jours. Celle-ci peut être ajustée lors des rendez-vous de contrôle. Par exemple, en cas d’insuffisance limbique sur lentilles, les ophtalmologues peuvent préconiser du SA 1x/heures pendant quelques semaines pour un effet booster.

Les gouttes de sérum autologue sont utilisées en dehors des temps de port de lentilles de contact. [4]

Le sérum autologue est une préparation magistrale. Il est remboursé par la caisse maladie, mais il est conseillé d’envoyer une demande préalable de prise en charge [1] [4].

Résultats

Selon le rapport analysant 14 études sur le sérum autologue, paru en 2020 dans le journal Ophthalmology, les résultats sont dans les cas de [7] :

  • sécheresses oculaires sévères : huit études sur dix ont rapporté une amélioration des symptômes, et toutes ont noté une amélioration d’au moins un signe clinique
  • défauts épithéliaux persistants : les 4 études ont montré une amélioration, dont 3 donnent un taux d’amélioration de plus de 90 % [7]

Les auteurs ont rapporté très peu de complications liées à l’utilisation du sérum autologue voir aucune [3] [7].

Conclusion

Le sérum autologue présente une bonne efficacité. La technique de fabrication est très encadrée, mais diffère légèrement selon les lieux de préparation. Il n’y a pas actuellement de consensus de la part des praticiens concernant la meilleure thérapie à mettre en place (concentration, fréquence/durée du traitement).

Résumé

Le sérum autologue est un collyre préparé à partir du propre sang du patient. Il est destiné aux personnes présentant une atteinte grave de la surface oculaire telle que la sécheresse sévère ou les défauts épithéliaux. Les techniques de préparation diffèrent selon les lieux de préparation, mais ont un schéma commun. Les résultats montrent une bonne efficacité.

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