Traitement des yeux secs

OptoMag| 13 novembre 2018, Elodie Dell'Estate

Handsome male doctor  ophthalmologist is checking the eye vision of attractive young woman in modern clinic. Doctor and patient in ophthalmology clinic.

Novembre 2018 – DELL’ESTATE Elodie

Résumé

Objectif

Cet article a pour but d’informer et d’expliquer les traitements possibles en cas d’œil sec.

Méthodes

Description des facteurs de risques et de la physiopathologie impliquée dans la sécheresse oculaire.

Résultats et discussion

Exemples des différents traitements de la sécheresse oculaire en fonction de la sévérité de celle-ci.

Conclusion

Le meilleur traitement des yeux secs repose sur l’association des différents moyens thérapeutiques mis à notre disposition.

Mots-clés

Sécheresse oculaire , film lacrymal, physiopathologie, osmolarité,

Conflit d’intérêts

Il n’existe pas de conflits d’intérêts

INTRODUCTION

La sécheresse oculaire affecte une part importante de la population. Pour bien comprendre et proposer le meilleur traitement en cas de sécheresse oculaire, il est important de connaître la définition la plus récente de celle-ci.

Une nouvelle définition a été proposée par la Tear Film and Ocular Surface Society (TFOS) en 2017 : « La sécheresse oculaire est une maladie multifactorielle de la surface oculaire caractérisée par une perte de l’homéostasie du film lacrymal et accompagnée de symptômes oculaires, dans laquelle l’instabilité et l’hyperosmolarité du film lacrymal, l’inflammation et les lésions de la surface oculaire ainsi que des anomalies neurosensorielles jouent des rôles étiologiques. » 1,2

RAPPEL PHYSIOLOGIQUE

Chaque couche du film lacrymal joue un rôle important dans la physiologie de la surface oculaire. La couche muqueuse permet au film lacrymal de se répartir sur l’épithélium et participe à l’élimination des corps étrangers. La couche aqueuse est composée majoritairement d’eau (98 %), de mucines, mais également d’électrolytes, de facteurs de croissance, de cytokines, d’immunoglobulines, et de cellules inflammatoires et desquamées. Cette couche hydrate la cornée et prévient la kératinisation. La couche lipidique est produite en grande partie par les glandes de Meibomius. Le meibum, composé de protéines, mais surtout de lipides, est libéré lors du clignement et réparti sur le film lacrymal entre chaque clignement. La suppression complète des lipides du film lacrymal ou l’obstruction de ces glandes augmenterait considérablement le taux d’évaporation et l’osmolarité des larmes. N’importe quelle anomalie de l’un des composants des larmes entraînerait ainsi une instabilité du film lacrymal et une hyperosmolarité.5 Le film lacrymal contient également des enzymes antioxydantes qui protègent les cellules de la surface oculaire contre le stress oxydatif. 5

Figure 1 — Aspects de la couche lipidique du film lacrymal visualisée grâce au Tearscope, système d’éclairage en lumière froide permettant de mettre en évidence la diffraction de la lumière sur les lipides superficiels.5

La régulation du film lacrymal est d’origine nerveuse, mais également hormonale. Les déficiences lacrymales touchent principalement les femmes lors d’un état physiologique particulier telles que la ménopause, la grossesse, l’allaitement ou la prise de la pilule. 5

Cette régulation permet une bonne lubrification de la surface cornéo-conjonctivale.

Une irritation liée à une évaporation excessive entraîne une augmentation de la sécrétion lacrymale. À l’inverse, une diminution de la sécrétion aqueuse va entraîner une hyperosmolarité lacrymale. Cela va générer une réaction inflammatoire qui altère le film lacrymal et favorise ainsi son évaporation.5

Quel que soit le type d’atteinte du film lacrymal, une donnée commune est l’augmentation de l’osmolarité du film lacrymal, résultant d’une réduction de son volume ou d’une évaporation excessive dans le cas d’un volume normal, mais avec un film lacrymal instable. L’hyperosmolarité a été largement démontrée comme entraînant une atteinte épithéliale, contribuant au développement de kératites, à la libération de cytokines inflammatoires et stimulant des réactions inflammatoires chroniques.5

Ces cytokines inflammatoires ont été retrouvées dans les larmes, dans des états pathologiques, mais aussi à l’état normal.3

MÉTHODES

Afin de proposer le meilleur traitement en cas d’œil sec, il est important de connaître les facteurs de risque, mais également la physiopathologie impliquée dans la sécheresse oculaire. Le traitement doit avant tout reposer sur une bonne analyse des mécanismes à la base de la sécheresse oculaire.3

Les facteurs de risque sont nombreux. En premier, le rôle de l’environnement est indéniable (climat, mode de vie…). Les autres facteurs également incriminés sont : le tabagisme, le visionnage prolongé sur écrans, la climatisation, l’air sec et chaud. Aujourd’hui, on parle également de déficiences nutritionnelles. Une alimentation riche en minéraux et vitamines (par exemple la vitamine A) et en oméga 3 serait protectrice.

L’âge et le sexe sont également mis en cause. Les femmes seraient plus touchées que les hommes. Les médicaments comme les antiacnéiques, les bêtabloquants, les contraceptifs oraux, les antihistaminiques et les antidépresseurs sont également incriminés. Les allergies, certains antécédents médicaux (inflammation de la paupière, chirurgie laser) ainsi que le port de lentilles de contact favorisent également la sécheresse oculaire.2

Le schéma physiopathologique ci-dessous nous montre que les causes et les facteurs de la sécheresse oculaire (en gris) sont des points d’entrée dans un véritable cercle vicieux biologique. La flore microbienne (en rouge) peut elle-même jouer un rôle important par le biais de toxines et d’enzymes qui vont affecter la couche lipidique et contribuer à une instabilité supplémentaire du film lacrymal.

Lorsque l’œil entre dans un tel cycle biologique, même si la cause initiale a disparu (par exemple, arrêt du port de lentilles de contact) le cercle vicieux continue à tourner pour lui-même.4

Figure 2 — Schéma physiopathologique du cercle vicieux de la sécheresse oculaire adapté de Baudouin.3 DGM : dysfonction des glandes de Meibomius ; MMP : métalloprotéinase matricielle.

Le diagnostic de sécheresse oculaire repose sur différents tests, tel que le test de Schirmer (quantification de la sécrétion lacrymale), le temps de rupture du film lacrymal (évaluant la stabilité du film lacrymal) et la coloration des structures oculaires visant à évaluer les altérations de la surface oculaire (fluorescéine, rose Bengale ou vert de Lissamine) .3

RÉSULTATS

La base logique des traitements en cas de sécheresse oculaire repose en priorité sur les substituts lacrymaux.

Il est souvent proposé aux patients des produits aux propriétés et viscosités différentes et de les laisser trouver tout seuls le schéma le plus adapté à eux.

Dans de nombreux cas, la sécheresse oculaire est secondaire à un dysfonctionnement des glandes de meibomius ou à une atteinte palpébrale. On proposera alors un traitement spécifique comme un nettoyage palpébral, des antibiotiques ou un traitement spécifique du Demodex.

Lors de sécheresse plus importante, les pommades et collyres cicatrisants classiques peuvent être utilisés, mais certains, contenant des conservateurs, ne doivent pas être prescrits à long terme en raison de leur potentielle toxicité.

L’inflammation joue un rôle très important dans le développement et dans la durée de la sécheresse oculaire (voir fig. 2). La réduire est donc important pour tenter de sortir du cercle vicieux de la maladie. Pour cibler et limiter l’inflammation, les corticoïdes locaux peuvent être utilisés.

Le progrès majeur apparu depuis une quinzaine d’années est le développement de la ciclosporine locale pour traiter les sécheresses oculaires sévères. La ciclosporine à très faibles concentrations (0,05 à 0,1 %) a montré son efficacité dans les kératoconjonctivites sèches à composante inflammatoire en réduisant les symptômes, la kératite et l’inflammation.3

Figure 3 — Proposition de thérapies, à partir du schéma de la figure 2, agissant sur différents points du cercle vicieux.3 DGM : dysfonction des glandes de Meibomius ; MMP : métalloprotéinase matricielle.

En plus des traitements que nous venons de voir, un certain nombre de mesures complémentaires sont potentiellement utiles dans les cas de sécheresse oculaire. Un contrôle des facteurs aggravants est important : arrêter si possible les médicaments diminuant la sécrétion lacrymale, éviter les environnements secs (climatisation) ou toxiques (tabac, etc.). Quelques conseils simples peuvent être d’une grande utilité : augmenter la fréquence d’instillation des substituts lacrymaux lors des efforts de fixation (lecture, travail sur écran, télévision, etc.), en cas d’exposition à des environnements secs ou toxiques. Le port de lunettes obturantes, éventuellement teintées, permet de protéger l’œil des agressions environnementales et de maintenir une hygrométrie périoculaire élevée. Dans les cas les plus sévères, les lentilles sclérales peuvent être d’une grande utilité.3

DISCUSSION

Tous les moyens thérapeutiques à notre disposition traduisent bien la difficulté de traiter les sécheresses oculaires et de soulager les patients. Il paraît logique de proposer les traitements les plus simples (contrôle de l’environnement, larmes artificielles) aux formes les plus modestes et de réserver des stratégies plus lourdes (ciclosporine) aux formes les plus sévères. Le contrôle de l’environnement, l’association de différents substituts lacrymaux, l’hygiène palpébrale, l’absence de conservateurs restent des bases thérapeutiques valables, quelle que soit la sévérité de la sécheresse.3

CONCLUSION

La multitude de substituts lacrymaux, leur composition parfois complexe et les associations désormais possibles traduisent à la fois les progrès réalisés, mais également de leurs insuffisances à soigner efficacement les patients. Il est donc essentiel d’associer les différents moyens thérapeutiques pour surmonter ces difficultés.3

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