L’ajustage de lunettes 

OptoMag| 21 mars 2019, Simon Inauen

Cropped image of attractive young female doctor in ophthalmology clinic. Doctor ophthalmologist is standing near shelves with different eyeglasses.

Simon INAUEN

Mots clés : ajustage, monture, lunette

Introduction

En préparant cet article, je me suis interrogé sur l’importance et la place de cette étape dans notre processus de prescription, de conseil et de vente. Tout en me mettant dans la peau de l’opticien, de l’optométriste, du client ou du patient, j’ai pu constater à quel point ce savoir-faire manuel, acquis par expérience constituait l’aboutissement de notre service et une plus-value lorsque l’ajustage est fait correctement.

Le point de vue client

C’est toujours intéressant de voir ce que nous offre internet en faisant des recherches avec des mots clés comme : ajustage de lunettes ; lunettes qui font mal, etc.

Par exemple sur le forum questions-réponses de Yahoo!, l’extrait d’une question postée par une cliente mécontente qui illustre bien la problématique face à laquelle le client et l’opticien peuvent se retrouver :

Est-ce possible qu’un opticien règle des lunettes en 2 minutes ?

Je viens d’aller chez un opticien fort désagréable qui m’a fait comprendre qu’il n’en avait rien à faire de régler mes lunettes (qu’un proche a été cherché non pas dans sa boutique, mais dans une autre). L’opticien où j’ai acheté mes lunettes n’a donc pas pu me les régler correctement. J’ai donc été chez un vieux con et il a simplement “tordu” la partie de la branche qui se trouve derrière mon oreille, c’est tout. De plus, il a à peine regardé si ça allait ou non…
Donc voilà sont-elles bien réglées ou dois-je aller chez mon opticien ?

Nous pouvons comprendre le désarroi de cette femme suite à sa visite chez cet opticien ainsi que le manque d’amabilité de ce dernier face à une cliente qui n’a pas fait ses lunettes chez lui. Cette petite scène de vie nous force à nous interroger sur l’accueil réservé aux porteurs de lunettes inconnus qui nous demande d’ajuster leurs lunettes. D’après mon expérience, la plupart des clients anonymes demandant un ajustage le font de bonne foi et rentrent dans nos magasins car ils ont une réelle gêne.

Voici quelques exemples des diverses causes qui vont nous amener à ajuster ou réajuster leur monture.

  • Livraison des nouvelles lunettes sans aucun ajustage (en magasin ou suite à une commande sur internet)
  • Ajustage de la lunette fait de façon aléatoire provocant un inconfort ou des douleurs
  • Ajustage complet effectué à la livraison, mais qui demande de légères modifications afin d’atteindre un confort optimal
  • Réajustage des lunettes déréglées par un choc ou par les différentes manipulations résultantes d’un port continu ou fréquent

Nous avons tous été confrontés à ces différents cas de figure et chacun réagit à sa manière en acceptant ou pas d’ajuster la monture en fonction de la situation. Quoi qu’il en soit en mettant un peu notre égo de côté, je considère qu’un bon ajustage et généralement une façon de montrer notre professionnalisme à un client inconnu. De plus, en le questionnant aimablement afin de savoir ce qui s’est fait en amont avec sa monture, il est fort possible de mettre en évidence quelques lacunes au niveau du service précédent (commande sur internet par exemple) et de le fidéliser lors de son prochain achat de lunettes.

Afin d’éviter des mauvaises surprises lors de l’ajustage, par exemple une vieille monture inconnue qui casse lors de l’ajustage, il est primordial de prévenir le client sur le risque de casse (à sa charge) et l’impossibilité de changer la pièce cassée. De plus, il est important de l’avertir à l’avance sur la gratuité ou le coût du service.

Rappel des différentes phases de l’ajustage

1. Préajustage de la monture

Lors de la prise de mesure précédant la commande des verres, il est primordial de préajuster la monture sur le client afin que les distances pupillaires, les hauteurs ainsi que tous les autres paramètres soient corrects.

On s’assure que la monture soit droite par rapport à la morphologie du client et qu’elle pose bien sur le nez. Les verres ne doivent pas toucher les cils et l’inclinaison de la monture devrait se situer autour de 10° (+ou- 2° selon les amétropies et la morphologie du client). Ne pas oublier de découder les branches afin de ne pas fausser les mesures de la hauteur et de l’inclinaison par des embouts déjà pliés pour l’esthétique de présentation en magasin.

Suite au montage des verres dans la monture, les lunettes sont rhabillées (remise en forme de la monture) afin de réaliser un bon ajustage.

2. Réglage des plaquettes

À l’aide d’une pince à plaquette, ces dernières sont adaptées au sujet : largeur nasale, angles de face et angles de chasse. Les plaquettes doivent poser sans heurt, sans serrage excessif. De plus, la taille et la matière des plaquettes doivent être appropriées aux diverses exigences dermatologiques du client comme des allergies, une sensibilité accrue ou un vieillissement de la peau. Modifier si nécessaire la taille des plaquettes selon la sensibilité du client afin de mieux répartir le poids des lunettes. Pour finir, la distance verre-œil doit être symétrique.

3. Horizontalité et inclinaison du plan de la monture

En modifiant l’inclinaison des branches, nous allons influencer l’inclinaison du plan de la monture et son horizontalité.

En modifiant l’angle i, nous allons incliner ou désincliner la face. Si la face n’est pas horizontale (un cercle plus haut que l’autre par rapport aux yeux, aux sourcils) il faut modifier l’inclinaison d’une seule branche en fonction de l’asymétrie de la hauteur des oreilles.

Nous cherchons à obtenir une inclinaison d’environ 10° pour les verres standards. L’inclinaison des verres individualisés doit correspondre à celle relevée lors de la prise de mesures des différents paramètres.

4. Réglage de la distance verre-œil

Si le visage est symétrique, le rhabillage de la monture permet d’avoir la même distance entre l’arcade sourcilière et la monture des deux côtés, de même pour la distance entre les pommettes et la monture. En cas de dissymétrie (du visage ou de la monture), la différence de distance se modifie en jouant sur l’ouverture des branches : une branche fermée éloigne la face du visage et inversement.

Il est important de vérifier que la monture ne porte pas sur les joues en position de sourire. La distance entre la monture et le visage doit être suffisante pour qu’il n’y ait pas de contact des cils sur les verres (éloigner les plaquettes du plan des verres si c’est le cas).

5. Réglage des branches en vue de dessus

Afin d’éviter une pression excessive sur les tempes, les branches ne doivent pas se creuser. Il faut vérifier que l’écart entre les branches et la tête est le même à droite et à gauche. La pression doit être identique et régulière.

Les branches sont galbées de façon à suivre les tempes (pas de galbe en cas de tempes creuses) afin d’éviter toute pression sur les veines et artères temporales et auriculaires. La pression exercée sur les tempes est faible, mais présente et symétrique.

6. Réglage des branches en longueur, ajustage des embouts

Le 1er point de cambrage de la branche se trouve à quelques millimètres au-delà du point de contact entre la racine du pavillon de l’oreille et l’embout de branche. Il doit y avoir un petit jeu lorsque l’on tire doucement la face vers soi : contrôler en palpant, sans tirer sur les oreilles.

La branche exerce une pression latérale par la surface de l’embout et non par une de ses arêtes (point de cambrage). Le coudage de la branche doit suivre le mieux possible la forme de l’oreille et du rocher.

Bien entendu, il est difficile d’appliquer strictement une technique d’ajustage spécifique à toutes les morphologies. L’essentiel est de respecter au mieux la forme de l’oreille et du rocher tout en tenant compte en partie de l’esthétisme de l’ajustage. Si les extrémités des embouts de branches dépassent trop, nous allons prendre soin de les raccourcir afin qu’ils soient cachés en partie derrière les oreilles. De plus, nous sommes parfois limités par les matériaux des montures et leurs formes de branches (branches droites par exemple) qui peuvent énormément nous compliquer la tâche. D’où l’importance de bien choisir la monture en fonction de la morphologie et des activités du client.

7. Vérification de l’ajustage

La monture correctement ajustée a une bonne position sur le visage : l’esthétique et le confort sont optimaux. Si l’on tire légèrement sur la face, la résistance doit être la même à droite et à gauche. On observe un léger jeu, mais pas de mouvement des oreilles.

On ôte la monture et on demande au sujet de la remettre : elle doit se positionner sans effort et sans jeu important.

Conclusion

Pour conclure, l’ajustage est un acte assez complexe qu’on acquiert avec expérience et qui demande passablement de patience selon les cas. Des lunettes mal ajustées ont un impact négatif sur tout le travail fait en amont, particulièrement pour des verres multifocaux et des verres simples foyers à fortes puissances. Lors d’inadaptation, des modifications d’ajustage assez fines peuvent clairement améliorer le confort visuel. De plus, il est important d’expliquer aux porteurs de lunettes les inconforts visuels que peut provoquer un désajustage des lunettes et la nécessité de venir régulièrement contrôler leurs lunettes en cas de gènes.

Pour finir, la transmission de ce savoir-faire au futur opticien et optométriste est primordiale. En effet, cet acte manuel est difficilement remplaçable par une machine ou un robot et demande une sensibilité qui se développe avec les années de pratique.

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