L’angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine

OptoMag| 01 janvier 2018, Matthieu Goncerut

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Janvier 2018 – GONCERUT Matthieu Bsc.

RÉSUMÉ

Objectif

Cet article permet de comprendre la différence entre l’angiographie à la fluorescéine et l’angiographie au vert d’indocyanine. Il explique également ce que le vert d’indocyanine met en évidence.

Méthode

Après injection du produit de contraste (fluoréscéine ou vert d’indocyanine), des photos du fond d’œil du patient sont prises à des temps donnés.

Résultats et discussion

L’analyse d’une angiographie au vert d’indocyanine repose sur les mêmes principes généraux que celle d’une angiographie à la fluorescéine, à savoir la détection d’une fluorescence pathologique, soit une hypofluorescence ou une hyperfluorescence.

Conclusion

Ces deux méthodes d’investigation sont indispensables pour analyser la circulation rétinienne et choroïdienne.

Mots-clés

Angiographie ; fluorescéine ; indocyanine ; inflammation ; choroïde ; perfusion.

Conflit d’intérêts

Il n’y a aucun conflit d’intérêt.

INTRODUCTION

Les angiographies à la fluorescéine ou au vert d’indocyanine (ICG) sont des méthodes d’imagerie pour évaluer la perméabilité des vaisseaux rétiniens et/ou choroïdiens ainsi que les interrelations entre eux. Leur usage dans les maladies dégénératives de la macula est bien connue, mais relativement moins dans un contexte inflammatoire. L’inflammation oculaire est souvent associée à des altérations vasculaires augmentant la perméabilité des vaisseaux rétiniens et suscitant très souvent une perturbation de la circulation rétinienne et/ou choroïdienne. Bien que l’ajout récent de l’OCT angiographie à l’imagerie nous apporte un supplément d’informations, cette dernière ne permet pas d’évaluer les fuites des vaisseaux rétinien. Le seul moyen à notre disposition pour mettre en évidence l’atteinte inflammatoire vasculaire est l’angiographie à la fluorescéine pour la circulation rétinienne et l’ICG pour la vascularisation choroïdienne.

MÉTHODES

La molécule de fluorescéine est de petite taille et peu liée aux protéines. Elle ne passe à travers les vaisseaux rétiniens que lorsque ceux-ci sont enflammés, rendant ainsi compte d’une rupture même minime de la barrière hémato-oculaire.

Elle ne permet cependant pas l’examen de la circulation choroïdienne (excepté la choriocapillaire durant les temps très précoces) à cause du spectre de rayonnement de sa fluorescence qui se situe dans les longueurs d’ondes de la lumière visible et qui ne passe pas l’écran que représente l’épithélium pigmenté de la rétine.

C’est par là que le vert d’indocyanine se distingue de la fluorescéine. En effet La molécule de vert d’indocyanine émet une fluorescence dans l’infrarouge pouvant être détectée à travers l’épithélium pigmenté de la rétine qui ne représente plus un écran.

Sa très forte liaison, à raison de 98-99%, aux grandes protéines sériques lui confère ses caractéristiques particulières grâce auxquelles il n’exsude pas à partir des vaisseaux rétiniens et choroïdiens du moins pas avant une quinzaine de minutes dans le plan choroïdien. C’est seulement en cas d’inflammation sévère des vaisseaux de la choroïde ou de la rétine avec rupture importante de la barrière hémato-oculaire qu’il y a exsudation de vert d’indocyanine aux temps précoces.

Au niveau choroïdien il y a normalement une exsudation lente à partir des vaisseaux choroïdiens, une diffusion progressive avec imprégnation lente du stroma choroïdien. C’est l’altération de cette imprégnation physiologique de la choroïde qui est analysée dans l’angiographie ICG effectuée au cours des maladies choriorétiniennes inflammatoires, les temps précoces étant comparés aux temps tardifs.

Au niveau des zones atrophiques choriorétiniennes, la diffusion du complexe moléculaire protéine-ICG est limitée. Au contraire de la fluorescéine qui au vu de son bas poids moléculaire, diffuse et imprègne la sclère au niveau des zones d’atrophie.

La procédure est la suivante ; après injection intraveineuse du produit de contraste, on expose l’œil du patient à des lumières de différentes longueurs d’onde afin d’acquérir des photos à plusieurs moments. L’acquisition des clichés à l’aide d’un appareil type OCT sont répartis en trois « phases » 

Les trois phases de l’ICGA

Phase précoce, de 0 à 2 minutes environ

Ce temps angiographique met en évidence une anomalie circulatoire ou vasculaire choroïdienne. Les renseignements les plus utiles que donne ce temps angiographique sont l’état de perfusion de la choriocapillaire et les anomalies circulatoires de la choroïde. Par exemple en cas d’hypertension artérielle sévère non compensée.

Figure 1 : Photo ICGA à 35sec. On remarque bien l’effet masque provoqué par l’œdème maculaire.

Phase intermédiaire de 2 à 12 minutes environ

Ce temps angiographique donne des informations sur l’atteinte inflammatoire des vaisseaux rétiniens et choroïdiens en mettant en évidence une perte de netteté de leur contour en raison de fuites ou alors une hypofluorescence des vaisseaux en cas d’obstruction du flux sanguin. L’imprégnation ICG physiologique du stroma choroïdien permet de mettre en évidence les infiltrations inflammatoires de la choroïde.

Figure 2 : Photo ICGA à 5min. On observe l’exsudation du colorant à 4h00 qui est hyperfluorescent.

Phase tardive de 30 à 45 minutes environ

Ce temps angiographique met en évidence les grands vaisseaux choroïdiens en négatif parce que le colorant a déjà été éliminé de la circulation. Ceci les fait apparaître hypofluorescents par rapport au fond fluorescent du stroma choroïdien. Grâce à un appareil permettant d’acquérir des photos de la périphérie, on peut parfois observer une exsudation des vaisseaux profond dans certaines pathologies. Une hyperfluorescence du nerf optique pourrait elle aussi être significative d’inflammation oculaire active ou passée.

Figure 3 : Photo ICGA à 15min. L’exsudation remarquée précédemment est d’autant plus marquée sur ce cliché.

Pour l’angiographie à la fluorescéine, les trois phases sont les mêmes, mais à des temps un peu plus courts :

Phase précoce de 0 à 4 minutes environ

Figure 4 : Photo FA à 45sec.

Phase intermédiaire de 4 à 10 minutes environ

Figure 5 : Photo FA à 4min. On remarque les petites ruptures des micros vaisseaux péri-maculaire. Les vaisseaux commencent à se vider.

Phase tardive de 10 à 15 minutes environ

Figure 6 : Photo FA à 14min. On observe l’œdème qui est hyperfluorescent par rapport au fond d’œil.

RÉSULTATS

L’analyse d’une angiographie au vert d’indocyanine repose sur les mêmes principes généraux que celle d’une angiographie à la fluorescéine, à savoir la détection d’une fluorescence pathologique, soit une hypofluorescence ou une hyperfluorescence. Nous avons retenu quelques concepts. Parmi ceux-ci, l’effet fenêtre est d’une importance moindre en angiographie ICG.

Diagnostic différentiel des hypofluorescences / L’effet masque

Cette notion est très importante en angiographie à la fluorescéine. Elle est le fait d’un « écran » (oedème rétinien, une fine pellicule de sang intra ou pré-rétinienne) qui dissimule les structures sous-jacentes en absorbant l’énergie photonique excitante de même que la fluorescence émise. Ceci n’intervient pas dans l’analyse d’une ICG. L’effet masque en angiographie au vert d’indocyanine est dû à des écrans totaux (lésions épaisses et/ou pigmentées) qui sont facilement détectés à l’examen clinique et ne posent pas de problèmes majeurs d’interprétation.

La non-perfusion vasculaire

En angiographie au vert d’indocyanine ce concept concerne presqu’exclusivement la perfusion de la choriocapillaire qui est à l’origine de pratiquement toute la fluorescence de fond choroïdienne.

Les effets de masse 

Ceci est un concept nouveau propre à l’angiographie ICG. Les multiples taches hypofluorescentes vues dans de nombreuses maladies inflammatoires sont encore trop souvent interprétées comme résultant d’un effet masque alors qu’il s’agit d’une fluorescence entravée par l’effet de masse d’infiltrats choroïdiens. Cette hypofluorescence peut par ailleurs nous indiquer l’épaisseur de l’infiltrat, ou les distinguer en comparant les clichés tardifs des clichés précoces.

Diagnostic différentiel des hyperfluorescences / L’effet fenêtre

Cette notion est très importante en angiographie à la fluorescéine. Il s’agit de l’absence d’une structure normale provoquant un effet masque et concerne surtout l’altération du masque physiologique qu’est l’épithélium pigmenté. Comme l’épithélium pigmentaire n’est pas une barrière dans le spectre infra-rouge, ce concept n’intervient pas en angiographie au vert d’indocyanine, qui par conséquent n’est pas adapté à l’étude de l’épithélium pigmenté.

La fuite/exsudation vasculaire

Ce concept indique que du colorant s’échappe d’un vaisseau de façon pathologique. Dans l’angiographie ICG cette fuite concerne les plus grands vaisseaux choroïdiens normalement imperméables au complexe protéine-ICG, ainsi que les vaisseaux rétiniens et papillaires en cas d’inflammation sévère.

L’imprégnation-rétention dans un tissu / l’imprégnation-accumulation dans une cavité

Cette notion décrit l’hyperfluorescence diffuse faisant suite à une fuite (anormale) de colorant soit dans un tissu, rétine ou choroïde, ou dans des cavités.

La fixation tissulaire

Cette notion est plus spécifique à l’angiographie au vert d’indocyanine et représente en général une hyperfluorescence tissulaire focale ou une hyperfluorescence vasculaire segmentaire. Dans les maladies inflammatoires, ce signe est assez fréquent.

L’interprétation schématique d’une angiographie au vert d’indocyanine au cours des maladies inflammatoires choriorétiniennes se situe à trois niveaux.

Le premier niveau d’analyse est de déterminer s’il y a une fluorescence pathologique, soit une hyperfluorescence ou une hypofluorescence.

Le deuxième niveau est de définir quel est le concept angiographique qui explique la fluorescence anormale, non-perfusion, fuite de colorant, fixation tissulaire pathologique du colorant etc.

La dernière démarche est de déterminer le mécanisme physiopathogénique supputé à l’origine de ces signes angiographiques.

DISCUSSION

Ces deux méthodes d’investigation sont indispensables pour analyser la circulation rétinienne et choroïdienne. Non invasive et pouvant être pratiquée de manière ambulatoire, elles ont considérablement fait avancer notre compréhension et notre interprétation de l’imagerie ophtalmologique.

REMERCIEMENTS

MIOS SA, Pr. MARC D. DE SMET pour la relecture et les figures 1 à 6 ; Imagerie d’une angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine réalisée sur un patient masculin de 77ans. Photographe : MATTHIEU GONCERUT

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