Évaluation de l’assise d’une lentille sclérale ou semi-sclérale sur la conjonctive :observations vs OCT-SA
OptoMag
02 avril 2017, Sandro MinderAvril 2017 – MINDER Sandro
RÉSUMÉ
Objectif
Démontrer la supériorité de l’OCT-SA par rapport aux observations faites à la lampe à fente dans l’évaluation de l’assise d’une lentille sclérale ou semi-sclérale sur la conjonctive.
Méthode
Un patient a été examiné à la lampe à fente après une heure de port d’une lentille semi-sclérale d’essai puis des images OCT-SA ont été réalisées pour confirmer ou améliorer ces observations afin de commander une lentille définitive. La même procédure a été effectuée lors de la livraison de la lentille commandée.
Résultat
Même si l’expérience permet une bonne évaluation de l’assise de la lentille sur la conjonctive à la lampe à fente, l’OCT-SA améliore encore les observations.
Conclusion
L’OCT est un équipement très utile pour réaliser des adaptations parfaites.
Mots-clés
Lentille sclérale — lentille semi-sclérale — OCT-SA
INTRODUCTION
Les lentilles sclérales et semi-sclérales sont des lentilles cornéo-sclérales semi-rigides.
Les premières sont utilisées pour ponter des cornées très irrégulières et améliorer l’acuité visuelle chez des patients présentant par exemple un kératocône avancé ou une greffe de cornée. Nous les utilisons également à titre thérapeutique grâce au réservoir lacrymal présent sous la lentille lors de sécheresse oculaire sévère comme dans le syndrome de Gougerot-Sjögren ou celui de Lyell. Enfin, nous les utilisons lors de processus de guérison de pathologies cornéennes comme les ulcères en collaboration avec le corps médical. Leur grand diamètre permet une excellente tenue et un grand confort, mais limite le renouvellement lacrymal sous la lentille.
Les secondes, plus petites, sont utilisées pour des patients avec des cornées régulières ou seulement légèrement irrégulières. Elles sont donc indiquées en cas d’intolérance aux LRPG cornéennes ou en présence d’une pathologie provoquant seulement une légère irrégularité cornéenne. Le renouvellement lacrymal sous la lentille est meilleur.
Les deux types de lentilles ont un diamètre supérieur à la cornée et reposent donc sur la conjonctive bulbaire. Un des critères qualitatifs de l’adaptation d’une lentille sclérale ou semi-sclérale réside dans l’assise de la lentille sur la conjonctive. Une bonne assise est garante de confort, d’un bon renouvellement lacrymal sous la lentille et donc d’une meilleure oxygénation de la cornée et du respect du métabolisme des tissus oculaires. Alors qu’une lentille trop serrée empêche le renouvellement lacrymal et provoque une hypoxie. Elle laisse de plus une empreinte conjonctivale au retrait. Une lentille trop ouverte est quant à elle inconfortable et provoque un flux lacrymal important avec de nombreux débris qui perturbent la vision. Afin d’évaluer l’assise du bord, il existe différentes solutions.
MÉTHODE
Je souhaitais équiper un patient d’une lentille semi-sclérale pour améliorer l’acuité visuelle d’un œil gauche présentant une petite cicatrice post-traumatique limitant passablement son acuité visuelle en créant un astigmatisme irrégulier incorrigible par un verre de lunettes. Un premier essai est réalisé avec une lentille semi-sclérale de notre stock. Celle-ci est sphérique et possède une ouverture du bord standard. Après une heure de port de cette lentille, le confort est très bon, le bénéfice visuel est excellent et la qualité de l’assise du bord de la lentille est tout d’abord évaluée à la lampe à fente. Les observations sont réalisées systématiquement dans les différents quadrants.
Observation de la lentille sur l’œil
L’observation de la conjonctive sous-jacente ne met en évidence aucun blanchiment de la conjonctive ni interruption vasculaire.
Indentation de la conjonctive
L’indentation de la conjonctive en bordure de la lentille permet de provoquer facilement un renouvellement lacrymal. La conjonctive est peut-être un peu moins mobile au bord de la lentille dans le méridien horizontal.
Instillation de fluorescéine
L’instillation de fluorescéine dans le cul-de-sac conjonctival fait remarquer qu’un léger renouvellement lacrymal se produit en inférieur et supérieur, mais que la lentille semble étanche en nasal et temporal.
Après ces observations à la lampe à fente, je pense donc que le bord est un peu trop serré et ceci surtout vers 3 et 9 h. Ceci n’était presque pas visible en lumière blanche, mais c’est grâce à la fluorescéine que cela devient visible.
OCT-SA
Je réalise donc ensuite des images OCT-SA dans les quatre méridiens et obtiens les images suivantes :
Les images dans les quatre quadrants mettent en lumière une lentille un peu trop serrée dans le méridien vertical et encore plus serrée dans le méridien horizontal.
Je pratique ensuite les deux tests complémentaires pour l’analyse de l’assise du bord :
Retrait de la lentille
La lentille est relativement facile à retirer, mais elle n’a été portée qu’une heure.
Observation de la conjonctive après le retrait
La lentille a laissé une infime empreinte conjonctivale en nasal et temporal. Là encore, un port de plus longue durée augmenterait les conséquences du serrage. Cette observation confirme l’impression obtenue grâce à l’instillation de fluorescéine.
Une lentille est commandée avec une géométrie torique en périphérie et légèrement plus ouverte.
La nouvelle lentille est portée trois heures lors du rendez-vous de livraison. La lentille se stabilise comme prévu à 180 °. À la lampe à fente, les observations sont très comparables à celles effectuées avec la première lentille à l’exception de la fluorescéine qui passe facilement et rapidement sous la lentille dans tous les méridiens.
Je reproduis donc ensuite les images OCT-SA dans les mêmes quatre méridiens et obtiens les images suivantes :
Les images dans les quatre quadrants mettent cette fois en évidence un bord bien aligné au profil scléral sur toute la circonférence. Cette lentille est donc parfaitement assise sur la conjonctive et peut être délivrée au patient.
Son retrait est aisé et elle ne laisse aucune empreinte sur la conjonctive après le port. Le confort est excellent et l’acuité visuelle de 1,0, contre 0,1 sans correction et 0,4 avec un verre de lunettes. Grâce à cette lentille, le patient retrouve donc une vision binoculaire et stéréoscopique confortable.
RÉSULTAT
À la lampe à fente, les observations de la lentille d’essai semblaient aller dans le sens de la nécessité d’ouvrir le bord et d’y ajouter une légère toricité. Grâce à l’OCT-SA, les images très précises confirment les observations faites à la lampe à fente et ne laissent aucun doute quant aux modifications à apporter.
DISCUSSION
Il est un fait qu’avec une importante pratique, on acquière l’expérience nécessaire pour évaluer la qualité de l’assise du bord d’une lentille sclérale ou semi-sclérale uniquement avec une lampe à fente.
Cependant, l’OCT-SA donne des images tellement précises du bord de la lentille que de petites imperfections qui pourraient rester invisibles à la lampe à fente deviennent dès lors visibles. De plus, même en étant sûr de ses observations à la lampe à fente, l’OCT permet de quantifier de manière plus précise les modifications à apporter à une nouvelle lentille. Les adaptations deviennent plus efficientes, car la première lentille commandée est bien plus souvent définitive.
En conclusion, cet appareil qui a révolutionné les pratiques ophtalmologiques a forcément toute sa place dans l’univers de l’optométrie. Il devient un précieux instrument pour réaliser rapidement de parfaites adaptations de lentilles sclérales et semi-sclérales. De plus, il nous permet la visualisation du segment postérieur afin de mieux référer aux ophtalmologues les patients nécessiteux.