Gouttes ophtalmiques à usage diagnostic

OptoMag| 09 mai 2023, Sybille Péguiron, Sarah Ven

AOR_Optometrie

Avril 2022

Résumé

Les gouttes ophtalmiques à usage de diagnostic incluent les cycloplégiques, les mydriatiques, les anesthésiants et les colorants. En optométrie, elles sont utiles pour la réalisation d’examens complémentaires indispensables au dépistage.

L’atropine et le cyclopentolate sont les cycloplégiques de référence pour la mesure de la réfraction objective en bloquant l’accommodation. Les effets secondaires sont plus présents chez les enfants.

Les mydriatiques les plus utilisés pour la réalisation des examens du fond d’œil sont la tropicamide et la phényléphrine. Les effets systémiques secondaires à l’instillation de mydriatiques existent et sont à prendre en compte avant l’administration.

Les anesthésiants oculaires locaux appliqués principalement pour la tonométrie à aplanation ou la gonioscopie peuvent avoir des effets secondaires sur l’intégrité cornéenne.

Finalement, les colorants, régulièrement utilisés dans la pratique de l’optométriste, ont peu de contre-indications et d’effets secondaires.

Les précautions d’usage sur l’utilisation et les effets de ces gouttes doivent faire partie des connaissances de l’optométriste et font partie d’une bonne prise en charge.

Objectif

Le but de cet article est de rappeler et de résumer l’utilisation des principales gouttes oculaires à usage diagnostique que l’optométriste peut utiliser dans sa pratique.

Méthode

Les cycloplégiques, les mydriatiques, les anesthésiants topiques oculaires et les colorants oculaires sont détaillés selon leurs indications, leur posologie et leurs effets.

Résultats

Afin de s’assurer d’une utilisation sans complications, l’optométriste doit connaître les propriétés des médicaments à but diagnostiques ainsi que leurs effets oculaires et systémiques. En effet, les gouttes cycloplégiques et mydriatiques ont des interactions avec le système nerveux végétatif et peuvent créer des effets indésirables lors de mauvais dosages ou chez des patients à risque.

Conclusion

L’usage de gouttes ophtalmiques est très utile et dans certains cas nécessaire afin de dépister ou de confirmer une atteinte oculaire chez nos patients. Le diagnostic final étant toujours établi par l’ophtalmologue, notre rôle de dépisteur a une importance non négligeable.

L’usage de ces gouttes peut avoir des conséquences oculaires et/ou systémiques. C’est pourquoi les optométristes doivent en connaître les propriétés.

Mots-clés

Diagnostic, cycloplégique, mydriatiques, anesthésiant, colorants

Introduction

Rappel Pharmacocinétique

À l’instar de tous les médicaments, les gouttes ophtalmiques à but diagnostic vont suivre les quatre phases de la pharmacocinétique qui sont ; l’étape d’absorption du principe actif, la distribution dans l’œil, le métabolisme de la molécule et l’élimination.

Les médicaments administrés par voie topique présentent souvent une biodisponibilité limitée en raison de nombreuses barrières physiques et biochimiques. Celles-ci incluent le renouvellement du film lacrymal, la structure et les propriétés biophysiologiques de la cornée, le volume limité pouvant être accueilli par le cul-de-sac, le renouvellement de l’humeur aqueuse et la fixation de certains principes actifs aux pigments de l’épithélium ciliaire [7].

La compression des points lacrymaux lors de l’instillation des gouttes permettra de diminuer l’absorption du principe actif dans la circulation systémique et augmentera le temps de rétention sur la surface oculaire [6].

Le système nerveux autonome oculaire

Les muscles de l’iris sont innervés par deux systèmes nerveux antagonistes ; le système sympathique et le système parasympathique.

Le sphincter de l’iris dépend de la voie efférente du système parasympathique dont l’origine est située autour du noyau d’Edinger-Westphal et dont les fibres suivent le trajet du nerf oculomoteur III. Le neurotransmetteur du système parasympathique est l’acétylcholine.

Le dilatateur de l’iris dépend de la voie efférente du système sympathique dont l’origine est située dans l’hypothalamus et dont le neurotransmetteur est la noradrénaline [8].

Méthode

Plusieurs gouttes ophtalmiques topiques à usage diagnostics sont détaillées ci-dessous selon leur indication, leur posologie et leurs effets.

Résultats

Médicaments de catégorie B (sur ordonnance uniquement)

Cycloplégiques et mydriatiques :

Mise en garde :

La personne examinée n’est pas autorisée à conduire un véhicule pendant minimum 6 heures après l’instillation des gouttes.
Le patient ne doit pas souffrir d’une allergie à la substance active administrée. Pour les porteurs de lentilles de contact, celles-ci seront retirées avant l’adjonction de gouttes.

Chez les femmes enceintes ou allaitantes, les mydriatiques et les cycloplégiques ne sont autorisés que si cela est vraiment nécessaire. Il n’y a pas d’effets secondaires graves connus pour le fœtus.
Chez les femmes qui allaitent, il existe un risque que le cyclopentolate soit transmis au bébé par le lait maternel. Il pourrait alors induire une sédation sévère par l’interaction de la substance avec le système nerveux central. [2]

Les bébés prématurés, les nourrissons ou les personnes atteintes du syndrome de Down, de spasticité ou de paralysie cérébrale sont plus à risque de réactions toxiques aux médicaments anticholinergiques. [1]

Cycloplégiques : Parasympatholytiques
Paralysie du muscle ciliaire et blocage de l’accommodation
Indication : Permets une mesure objective de la réfraction
Exemples : Hypermétropie latente et spasme accommodatif [2]

Les 2 cycloplégiques de référence sont l’Atropine et le Cyclopentolate. L’homatropine et la tropicamide ont également une action cycloplégique, mais sont rarement utilisées, car ils sont moins efficaces. [1]

Atropine : meilleur effet cycloplégiant
Posologie recommandée : une goutte, matin et soir, pendant les cinq jours avant l’examen, et le matin de celui-ci. [1]

Cyclopentolate : Effet cycloplégiant court
Posologie recommandée : 2 gouttes à 5 minutes d’intervalle. Réfraction après 30 minutes.
En cas de forte pigmentation de l’iris, l’administration de doses plus élevées peut être nécessaire. [1]

Durée d’action Persistance des effets Contre-indications Effets secondaires
Atropine 0,3% < 2 ans 5—10 jours 7—15 jours – Risque de glaucome par fermeture de l’angle
– Adémone prostatique (contre-indication relative)
– Tachycardie,
– Effets neuropsychiatriques et digestifs en particulier chez l’enfant
Atropine 0.5%

2—5 ans

Atropine 1.0%

> 5 ans

Cyclopentolate 0.5% Dès 1 an 45-60 minutes 6-24h Antécédents de troubles neurologiques– Rougeur locale
– Agitation
– Sédation
Cyclopentolate 1,0%Dès 2 ans
Tableau 1 : Récapitulatif des cycloplégiques

Mydriatiques :

parasympatholytiques (tropicamide) ou sympathomimétiques (phényléphrine).
Dilatation pupillaire en bloquant le sphincter ou en stimulant le dilatateur de l’iris.
Indication : Examen du fond d’œil périphérique
Exemples : Myopie moyenne à forte, symptômes d’un décollement de rétine et/ou d’une déchirure rétinienne, maladie systémique avec atteintes oculaires possibles. [2]

Posologie :
Tropicamide : 2 gouttes à 5 minutes d’intervalle. Examens après 30 minutes
En cas de forte pigmentation de l’iris, l’administration de doses plus élevées peut être nécessaire. [3]
Phényléphrine : 1 goutte dans chaque œil. Si nécessaire, 1 goutte peut être rajoutée après 1 h.

Durée d’action Persistance des effets Contre-indications Effets secondaires
Tropicamide 15—30 minutes 6-8h – Moins de risque de glaucome par fermeture de l’angle– HTIO
– Tachycardie et collapsus cardiorespiratoire
– Réactions psychotiques en particulier chez l’enfant
– Céphalées
– Sécheresse buccale
Phényléphrine 2.5% 15 à 60 minutes 5-7h – Risque de glaucome par fermeture de l’angle
– Déconseillée en concomitance avec la prise d’atropine, d’antidépresseur et d’IMAO. [2]

Pour les collyres à 10% :
– Maladies cardiaques
– Tachycardie
– HTA
– Anévrysme
– Hyperthyroïdie
– Asthme
– Diabète mal contrôlé
– HTIO
– Tachycardie
– HTA (vasoconstriction)
– Maux de tête
– Arythmies ventriculaires

Les effets systémiques de la phényléphrine sont rares et apparaissent plutôt avec les collyres à 10% et chez les enfants.
Tableau 2 : Récapitulatif des mydriatiques

Anesthésiques locaux :

Mise en garde :
Les anesthésiques locaux fragilisent les jonctions serrées de l’épithélium cornéen. Il ne faut jamais utiliser plus de 3 gouttes par examen (par œil) car le risque d’érosion cornéenne augmente.
Le port de lentilles de contact est autorisé au plus tôt 2 heures après l’application de l’anesthésique [6].

Un anesthésique local va conduire à la perte de sensibilité à l’endroit d’administration de celui-ci, en bloquant les canaux sodiques voltage-dépendants sur la membrane de la cellule nerveuse et empêchant de façon réversible la propagation des signaux le long des nerfs.

Indication : anesthésie temporaire de la surface oculaire pour effectuer des examens diagnostiques Exemple : tonométrie à aplanation ou gonioscopie.

Posologie :
Oxybuprocaïne : Une seule goutte, avant l’examen.
Tétracaïne : Une seule goutte, avant l’examen.
Fluoresceine Oxybuprocaine : Une seule goutte, avant l’examen.

Durée d’action Persistance des effets Contre-indications Effets secondaires
Oxybuprocaïne [9] 30 secondes à 15 minutes 20 à 30 minutes Hypersensibilité à l’Oxybuprocaïne. Lésions cornéennes après usage prolongé.
Rare : réactions allergiques, convulsions, choc anaphylactique, hypotension, syncopes.
Tétracaïne [10] 1 à 15 minutes 20 à 60 minutes Hypersensibilité à la tétracaïne. Administration chez les prématurés Administration concomitante de sulfamides dans l’œil. Lésions cornéennes après usage prolongé. Cataracte ↑ de la PIO. Convulsions, hypotension, syncopes. Réactions allergiques, choc anaphylactique, hypersensibilité, y compris érythème, prurit.
Fluoresceine Oxybuprocaïne  [11] 30 secondes à 15 minutes 10 à 15 minutes Hypersensibilité à l’Oxybuprocaïne Enfants de moins de 2 ans. Lésions cornéennes après usage prolongé. Réaction allergique, cataracte ↑ de la PIO
Tableau 3 : Récapitulatif des anesthésiques locaux

Gouttes diagnostiques sans principes actifs médicinaux

Fluorescéine 0.5 %
Indications : mise en évidence et surveillance des atteintes cornéennes et conjonctivales.
Prise de la tension oculaire au tonomètre à aplanation. Analyse du film lacrymal.
Adaptation et contrôle de lentilles de contact rigides et sclérales.

Contre-indication : Hypersensibilité à la fluorescéine.
Les porteurs de lentilles souples doivent retirer les lentilles avant l’instillation. [4]

Vert de Lissamine
Indication : mise en évidence des cellules mortes ou dégénérescentes de la cornée et de la conjonctive.
Le vert de Lissamine est disponible sous forme de bandelettes ou de collyre 1 %. Moins douloureux que le rose de Bengale, il est mieux toléré par les patients.

Rose de Bengale : Teinture fluorée dérivée de la fluorescéine synthétique

Indications : Diagnostic de la sécheresse oculaire

Effets indésirables : Effet toxique sur les cellules épithéliales et douleurs à l’instillation. [5]

Discussion

L’usage de gouttes ophtalmiques à but diagnostique est très utile et permet à l’optométriste d’effectuer des examens complémentaires tels que des examens sous cycloplégie, une mesure de la pression intraoculaire ou un suivi de l’œil sec.

Le diagnostic final étant toujours établi par l’ophtalmologue, notre rôle de dépisteur a une importance non négligeable.

Afin de s’assure d’une utilisation sécuritaire pour le patient, l’optométriste doit connaître toutes les propriétés de ces médicaments et doit effectuer une anamnèse précise avant toute utilisation. Le stockage, l’instillation et la mise en garde des effets secondaires font partie intégrante de la prise en charge optométrique.

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